« Croyez-vous en Dieu, Honorine, autant que si vous étiez jeune ?
– Autant, dit-elle, mais je l’aime moins.
– Ah ! qu’est-ce que vous lui reprochez ?
– Deux injustices que je ne m’explique pas. Je lui pardonne le reste, mais d’abord pourquoi permet-il que le mauvais temps abîme les récoltes ? Pourquoi nous ôte-t-il le lendemain ce qu’il nous a donné la veille ? Il vient de me reprendre les cerises de mon jardin. Il me les a grillées avec son soleil. Puisqu’il est le bon Dieu, pourquoi s’amuse-t-il à nous jouer des farces ?
– Peut-être qu’il n’existe pas ?
– Ma foi, on le dirait.
– Vous doutez, Honorine ?
– Je ne doute pas, je regrette mes cerises. »
J. Renard, « Honorine », in « Le Vigneron dans sa vigne ».